Journée nationale et d’hommage aux « Justes » de France 20 juillet 2025

Message de Patricia MIRALLES
Ministre déléguée auprès du ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants
Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux « Justes » de France 20 juillet 2025
Il faisait déjà chaud, ce matin-là, à Paris. L’été pesait lourd, écrasant, comme une menace sourde.
Mais personne n’imaginait encore l’inimaginable.
Et pourtant, le 16 juillet 1942, à l’aube, la France s’est brisée.
Par milliers, des familles juives ont été tirées du sommeil. Arrachées à leur foyer, chassées de leurs chambres, les enfants arrachés à leurs rêves innocents, emportées sans ménagement, sans appel, sans raison.
À Paris, les couloirs et les trottoirs bruissaient de bottes. Dans les escaliers, on entendait des pleurs d’enfants, des valises trop vite refermées. Dans les rues, des policiers et des gendarmes français guidaient les files.
Ce jour-là, et les suivants, 13 152 personnes furent arrêtées. Plus d’un tiers étaient des enfants.
Dans cette enceinte fermée, dans une atmosphère étouffante, saturée de bruit et de peur, des êtres humains furent parqués comme du bétail, sous les ordres de l’État français.
Des jours entiers d’attente, sous les verrières brûlantes. Des enfants qui appelaient leur mère et des mères qui ne pouvaient plus rien faire.
Puis, ce fut Drancy. Beaune-la-Rolande. Les wagons avec du barbelé aux fenêtres et les pleurs des enfants qui peinent à recouvrir le crissement des trains. Pas d’eau. Pas de nourriture. Pas d’hygiène.
Puis l’arrivée, les cris des chiens et les cris en allemand. Auschwitz.
Et le silence.
Ils n’étaient pas coupables. Ils étaient juifs.
Aujourd’hui, sur les places de nos villages, devant nos monuments aux morts, nous sommes réunis pour transmettre cette sombre page de notre histoire.
Transmettre, c’est dire la vérité. La vérité, c’est que ce crime fut pensé par l’occupant nazi, mais avec le zèle des autorités françaises. Car la rafle du Vel’ d’Hiv fut une opération française, ordonnée par l’État de Vichy et menée par des policiers et gendarmes français. Des hommes qui portaient un uniforme français, mais qui, malheureusement, ne servaient plus la République.
Cette faute irréparable, précédée par les lois antijuives iniques du régime de Vichy qui s’étendirent de la métropole, jusqu’à Alger, Tunis ou Casablanca, fut un manquement aux valeurs de la France.
Ce n’est que bien plus tard que cette vérité fut dite.
Le 16 juillet 1995, le président Jacques Chirac eut le courage de prononcer un discours qui est resté dans l’histoire. Des mots précis, essentiels, historiques.
En les disant, il a ouvert un chemin fécond. Il a osé dire que la France, ce jour-là, avait failli. Et en cela, il a rendu à la République sa vérité, sa force, sa dignité retrouvée.
Mais aujourd’hui, si nous nous souvenons du plus obscur nous nous rappelons aussi du plus magnifique.
Car ils le furent, magnifiques, les Justes de France, ces hommes et ces femmes qui ont su dire non.
Magnifiques dans le courage, dans la modestie, dans l’honneur discret.
Ils ont offert une chambre derrière une armoire, maquillé des cartes d’alimentation, effacé des noms des registres, caché des enfants dans une ferme, dans une école, dans un couvent. Ils ont menti à leurs voisins, à leurs curés, à leurs maires. Ils ont pris tous les risques. Et parfois, ils ont tout perdu.
Les Justes sont la réponse de la conscience aux ordres de la honte. Ils ont incarné, dans les ténèbres, un honneur français. Si les trois quarts des Juifs français ont survécu au nazisme, c’est aussi grâce à eux. Ils représentent, dans leur diversité, une école de citoyenneté, la légende dorée d’une humanité contemporaine.
Alors, tant que nous marcherons sur cette terre, les victimes comme les Justes ne seront pas effacés. La France n’oubliera pas. Elle enseignera, elle témoignera. Et ce d’autant plus qu’aujourd’hui, l’antisémitisme rôde encore.
Ses réveils, en France, se sont faits de plus en plus fréquents, de plus en plus brutaux. Le 7 octobre 2023, le poison a rejailli avec une violence inouïe. Et puis, il y a aussi cet antisémitisme qui ne crie pas, mais qui nie, qui relativise, qui fait silence ou qui rit.
Chaque injure, chaque attaque, chaque dégradation, chaque mensonge ne sont pas des anecdotes, ni des faits divers. Ce sont des alertes, ce sont des failles dans notre pacte national.
Aujourd’hui, et comme chaque jour, face à l’histoire, face à nos responsabilités, nous affirmons que la lutte contre l’antisémitisme, contre le racisme, contre la haine de l’autre, doit être la marque distinctive de notre époque.
Parce que la France, c’est cette voix qui a failli un jour, mais qui a promis de ne plus jamais faillir. C’est cette promesse, trahie en 1942, mais restaurée par la vérité, par l’éducation, par la fermeté face à la haine. Par la République.
La promesse que la France demeure pour tous, d’où qu’on vienne, quel que soit ce que l’on pense, ce que l’on croit, une fidélité aux plus grandes espérances républicaines.
Vive la République !
Vive la France !